Michael Mann : romances viriles

La sortie récente de Hacker (Blackhat) et la redécouverte de Heat sur grand écran dans le cadre d’une rétrospective parisienne consacrée à Michael Mann : deux occasions de se replonger dans l’oeuvre d’un cinéaste qui passionne depuis ses débuts.

Michael-Mann Gong Li metafictions

Heat1 est le film qui a fait basculer Michael Mann dans une autre dimension, celle des grands cinéastes dont chaque réalisation est attendue avec une attention particulière. Il a su par la suite investir des genres nouveaux et des territoires inattendus (Révélations2 et Ali3), puis se réinventer en réinvestissant son genre de prédilection : le thriller/polar mâtiné de film criminel. Il est alors devenu l’un des piliers de l’expérimentation numérique (Collatéral4, Miami Vice5, Public Ennemies6 et Hacker7). Même si ses films n’ont pas toujours rencontré le succès escompté, ses prouesses techniques et les fulgurances de sa mise en scène ont été globalement louées et reconnues. Mais c’est sur un autre aspect bien précis et sous-estimé de son oeuvre que vont naitre les réflexions suivantes.


Si Heat est devenu assez vite un classique incontesté et le premier grand film du cinéaste, il génère un léger paradoxe.
Le film marque un aboutissement incontestable, une forme de synthèse de la première partie de la carrière de Mann, mais ce n’est que le brouillon d’un aspect secondaire amené à prendre une importance croissante dans son oeuvre : les romances et des personnages féminins qui parsèment ses films, et dont l’évolution se constate autant par l’importance des rôles féminins octroyés que par la nature des rôles et les actrices choisies pour les incarner.
Heat étant point de départ de ces réflexions, c’est en toute logique que nous allons nous appuyer sur les films appartenant à la même « famille » : à Collatéral (2004), Miami Vice (2006), Public Ennemies (2009) et Hacker (2015).

Robert de Niro et Amy Brenneman dans Heat
Neil (Robert de Niro) et Eady (Amy Brenneman) dans « Heat »

Masculin/Féminin

Les héros masculins de Michael Mann sont des hommes forts, à la virilité assumée et prononcée. Ce sont aussi des pointures dans leurs domaines respectifs. Qu’ils soient braqueurs, flics, tueurs à gage ou récemment crack informatique, ils se caractérisent par une idée de référence évidente dès leur apparition à l’écran.

Ashley Judd dans Heat
Charlene (Ashley Judd) dans « Heat »

Ces archétypes et leurs caractéristiques vont de pair avec les acteurs choisis, qui obéissent à une forme de logique. Robert DeNiro/Al Pacino dans Heat, Tom Cruise dans Collateral, Colin Farrell dans Miami Vice, Johnny Depp dans Public Enemies et enfin Chris Hemsworth dans Hacker. Deux acteurs mythiques réunis en face à face (DeNiro/Pacino), l’icône planétaire du moment dans son premier rôle de bad guy (Tom Cruise), une valeur montante fascinant les plus grands (Colin Farrell, à l’époque chez Terrence Malick et Woody Allen), une grosse vedette utilisée à contre emploi (Johnny Depp) et enfin une figure très identifiable de super-héros (Chris « Thor » Hemsworth). Cette constante dans les rôles masculins n’est pas valable pour leurs homologues féminins.
Heat a été évoqué plus haut comme un brouillon. Il convient d’expliciter le propos. Si les trois personnages principaux de Heat ont droit à leurs histoires d’amour, celles-ci sont avant tout fonctionnelles. Par ricochet, les personnages féminins du film se voient cantonnés à un rôle-fonction. Qui dit rôle-fonction, dit au mieux « archétype », au pire « cliché ». De la femme adultère et poliment casse-burnes à laquelle est mariée Al Pacino, en passant par l’amoureuse prête à tout plaquer pour partir avec Robert DeNiro et dont on ne sait presque rien, jusqu’à la jeune mère paumée et instable qui sort avec Val Kilmer, on est à chaque fois à la limite d’une forme de machisme.

Conscient de cette limite, ou tout simplement désireux de faire évoluer son cinéma, Michael Mann commence à rabattre les cartes à la sortie de Collateral.

Jamie Fox et Jada Pinkett Smith dans Collateral
Max (Jammie Fox) et Annie (Jada Pinkett Smith) dans « Collateral »

Dans Collateral, la romance est à peine effleurée, sous-entendue, et ne concerne pas le héros (ou plutôt l’anti-héros) campé par Tom Cruise, mais le personnage interprété par Jamie Foxx. Une romance supposée dans l’épilogue avec le personnage joué par Jada Pinkett-Smith, dont le statut social (elle est procureur) est le plus élevé du film.
Cette information pourrait être tout à fait anecdotique si le film suivant de Michael Mann ne s’appelait pas Miami Vice, car c’est dans ce film que se développent de la plus belle des façons les prémisses de Collateral.
Les rôles féminins évoqués précédemment sont campés par des actrices quasiment inconnues (ce n’est pas un mal) : notamment Diane Venora, Amy Brenneman dans Heat, et Ashley Judd, seul rôle féminin ayant un peu d’influence sur l’intrigue. Sans oublier Jada Pinkett-Smith qui, à tort ou à raison, mène sa carrière dans l’ombre pesante de son très célèbre mari Will Smith.

Miami Vice

Revenons à Miami Vice. Sonny (Colin Farrell) et Ricardo (Jamie Foxx) sont deux policiers infiltrés pour démanteler un cartel et en faire tomber le chef, un certain Jesús Montoya (Luis Tosar). Lors de leur première rencontre avec Montoya, on découvre Isabella, qui partage la vie de Montoya sans être vraiment sa femme, et occupe un rôle flou dans ses affaires. Le temps de cette discussion, Mann suggère qu’elle et son « mari » sont à égale puissance, notamment grâce à un bref plan dans une limousine : le cinéaste cadre les mains d’Isabella et de Jesús Montoya positionnées de la même façon, portant la même montre en or. Une façon d’indifférencier les deux personnages, hiérarchiquement parlant. Isabella est une femme d’affaires, imposante et puissante donc, au-dessus des héros du film, « simples flics » infiltrés.
L’actrice choisie pour interpréter Isabella n’est autre que Gong Li, ancienne compagne de Zhang Yimou, et son actrice fétiche au début des années 90. On l’a vue notamment dans les célèbres Épouses et concubines8 (Lion d’argent à Venise en 1991), Shanghai Triad9 (Grand Prix à Cannes en 1995), mais aussi dans Adieu ma concubine10 de Chen Kaige, (Palme d’or en 1993) et un peu plus tard dans l’oeuvre monstre de Wong Kar-Wai : 204611.
Véritable emblème du cinéma chinois des années 90, Gong Li est une figure identifiable et respectée des cinéphiles. À rôle imposant, actrice imposante.

Miami Vice
Isabella (Gong Li) et Sonny (Colin Farrell) dans « Miami Vice »

Si l’évolution, voire la rupture frappent autant dans Miami Vice, c’est notamment parce qu’en plein coeur du récit, Michael Mann met littéralement l’intrigue principale en suspension pour ne plus s’intéresser qu’au couple formé par Gong Li et Colin Farrell, et ce pendant près de 15 minutes. Cette rupture avec l’intrigue, le cinéaste l’exécute en douceur, mais en trahissant géographiquement son titre, son film et ainsi le programme annoncé, puisque les deux personnages quittent Miami pour Cuba.
Cette parenthèse est peu prévisible à la première vision du film. La première rencontre entre les futurs amoureux a lieu dans une limousine lors d’une discussion formelle avec deux autres personnages… Furtivement, le cinéaste donne un indice en laissant trainer un plan de regards entre Isabella et Sonny. Lui sorti de la voiture, elle en train de s’éloigner. Ce n’est qu’après des négociations terminées que Sonny va proposer un verre à Isabella. Une proposition qui donne le ton. « Madame. Une faveur », demande Farrell. Elle ne le regarde même pas, et lui répond avec autorité : « On va au meilleur endroit pour les mojitos… la Havane ». C’est elle qui donne les ordres. C’est elle qui a le pouvoir, et ce dès leurs premières scènes ensemble. « Vous dansez ? » lui demande-t-elle encore plus tard. L’invitation vient toujours d’elle, et il s’exécute. Quand il la questionne sur une possible affaire à Cuba avec son mari, la réponse est explicite : « Jamais de business à Cuba. Jesús n’est pas mon mari. Je suis une femme d’affaires. Je n’ai pas besoin d’un mari qui m’entretienne. ».
Le slogan « No Rules, No Law, No Order », utilisé pour l’une des affiches américaines du film, s’applique parfaitement pour caractériser le personnage d’Isabella. On se rappelle alors que dans Heat, les personnages féminins n’avaient pas ou presque leur mot à dire.

Ce statut qu’occupe Isabella donne une tournure risquée à la romance naissante, car Sonny n’est qu’un infiltré, tandis qu’Isabella ne joue pas. Elle est à la tête d’un réseau puissant et dangereux. Romance risquée donc, mais aussi inattendue et imprévisible.
C’est là que le cinéaste change son approche, avec des valeurs de cadres serrées au plus près des personnages, des corps. Qu’ils dansent, fassent l’amour, prennent une douche, la mise en scène cherche à capter quelque chose de physique entre les deux personnages. Tout peut s’arrêter aussi vite que cela a commencé. « Chaque seconde compte ». Les retrouvailles entre les deux personnages après l’excursion cubaine sont toujours filmées par bribes, brefs instants rendus forts par l’approche de Mann, qui pour la première fois s’intéresse au moins autant à cette histoire d’amour qu’au reste de l’intrigue.

Est-ce le personnage féminin qui le fascine ? Le couple qu’ils forment ? Les lieux qu’il met en scène ? Quoi qu’il en soit, cet ensemble de données troublantes et irrésolues contribue à la force de ces instants entre Isabella et Sonny.

Miami Vice
Isabella (Gong Li) et Sonny (Colin Farrell) dans « Miami Vice »

Avant de filmer les retrouvailles du couple, Mann place une scène entre Isabella et Montoya, le chef du cartel. Montoya interroge Isabella sur la fiabilité des américains. Elle lui avoue alors sans scrupules avoir couché avec l’un d’entre eux, et le décrit comme «  un type sérieux, à surveiller de près ». Mann les filme comme deux entités complémentaires, sans distinction hiérarchique.
Quand viennent les retrouvailles, le cinéaste délocalise à nouveau l’action de Miami pour la situer à Baranquilla, en Colombie, et orchestre un faux retour au point de départ avec une scène de retrouvailles suaves dans une limousine, pour rappeler la première rencontre des personnages. Une façon de mêler visuellement travail et sentiments, mais également de rappeler qui a le pouvoir à ce moment-là.
On a pu lire ou dire que chez Michael Mann, les personnages ne sont souvent qu’une partie du décor, des éléments au service de sa mise en scène. Avérées ou non, ces réserves s’estompent à la vision de Miami Vice, et plus particulièrement de la partie « romantique » du film. Rarement le cinéaste aura été aussi proche des personnages qu’il filmait, aussi proche des corps.
Avec Isabella, il créé un personnage féminin fort et ambigu, comme on en voit peu dans le cinéma hollywoodien à gros budget, catégorie à laquelle le film appartient presque par défaut.

Public Enemies

Dans de la filmographie de Mann, Public Enemies et Hacker sont avant tout des variantes de ses films précédents.
Public Enemies est une relecture historique et numérique de Heat, avec comme trame principale l’histoire d’un braqueur (John Dillinger, ennemi public n°1 interprété par Johnny Depp) traqué par un flic (Christian Bale), à l’époque de naissance du FBI. Hacker raconte la traque d’un cybertraficant, une traque internationale où américains et chinois collaborent, et l’ensemble fait penser à une version 2.0 de Miami Vice.
Néanmoins, les termes variantes et relectures ne doivent pas être perçus de manière péjorative. En l’occurence, parmi les variations qu’effectue Mann, l’aspect féminin s’inscrit dans la suite logique de ce qu’on avait entrevu dans Collatéral et vu dans Miami Vice.
Si Public Enemies renvoie délibérément à Heat, le cinéaste ne se focalise cette fois-ci que sur une seule et longue histoire d’amour, et non plus trois. La romance qu’il met en scène prend moins de place que dans Miami Vice tout en ayant une portée assez différente.
Mann reprend dans les grandes lignes les archétypes « connotés » de Heat concernant les personnages et l’intrigue, mais le personnage féminin est plus subtil qu’il n’en a l’air. En confiant le rôle à Marion Cotillard, fraichement oscarisée à l’époque, le cinéaste fait un choix de casting inédit, à la fois fort et pertinent.

Public Enemies
John (Johnny Depp) et Billie (Marion Cotillard) dans « Public Enemies »

La rencontre entre John Dillinger (Johnny Depp) et Billie Frechette (Marion Cotillard), se fait peu ou prou sur les mêmes motifs que dans Miami Vice : un jeu de regard, une danse et un restaurant. C’est le contenu qui diffère.
Mann replace le personnage masculin en position de force dans l’approche, tout en tordant cette approche au fil du temps. A chacune des questions de John, Billie lui rappelle qui elle est («  Française de père, mère indienne. Ça plait rarement. » « J’ai été hôtesse de tripot, je tiens le vestiaire… Ils me regardent, ils voient peu de filles dans leur restaurant avec une robe à trois dollars… »), désarçonnant son interlocuteur. Cette franchise et cette conscience d’elle-même, qui contraignent John à ne pas mentir sur sa propre identité, témoignent d’un tempérament solide et presque imperturbable. Lorsque John demande à Billie de l’attendre dehors pour échanger avec un « partenaire d’affaires », elle le plante et prend le taxi, refusant d’être sa chose. Et lorsqu’il lui demande de « jurer de ne jamais refaire ça », elle refuse, inversant définitivement le rapport de force initialement pressenti entre eux.
Plus tard, le cinéaste s’essaie à filmer un semblant de quotidien de « vie de couple ». Dans un hôtel où ils logent sous des faux noms, plutôt que de savourer pleinement l’instant présent, Billie rappelle John à la réalité : « Tu sais très bien que je finirai par retourner au Vestiaire du Steuben Club d’une manière ou d’autre autre. Tu vois pas plus loin qu’aujourd’hui ou demain » … Elle ne se trompe pas, quelques instants plus tard Dillinger est arrêté, et ils seront séparés pendant presque toute la deuxième partie du film.

Marion Cotillard Public Enemies
Billie (Marion Cotillard) dans « Public Enemies »

Dans Miami Vice, le cinéaste faisait passer sa romance par-dessus l’intrigue et l’action. Ici il fait s’entrechoquer les deux, au point que l’action vient extraire la romance du récit.

Paradoxalement, l’arrestation de John contraint le cinéaste, ou lui permet de faire exister le personnage de Billie indépendamment de son couple, en lui réservant une scène marquante : un interrogatoire très « musclé » qui tranche avec le reste du film. Le personnage, malmené et frappé violemment, ne cède pas. Pendant ce temps, l’homme qu’elle protège est en train de fuir. Une façon « masculine » de proposer une femme forte derrière les fausses premières impressions que Mann s’était amusé à livrer lors de son entrée en scène.
Il lui réserve aussi les derniers plans : Billie en pleurs. Dans un film où l’on privilégie un jeu épuré et peu expressif, Mann choisit de terminer sur une expression marquée et puissante, en faisant de Billie le personnage le plus humain et incarné du récit.

Hacker

Miami Vice montrait une femme puissante, Public Enemies une femme forte. Hacker, qui marque le retour du cinéaste après six ans d’absence, reprend les choses là où elles ont été laissées, et synthétise ces deux facettes.

Chris Hemsworth et Viola Davis dans Hacker
Nick (Chris Hemsworth) et Carol (Viola Davis) dans « Hacker »

Dans un premier temps, le film met en scène un quatuor mixte, international et paritaire (2 américains/2 chinois/2 hommes/2 femmes) pour servir une problématique qui, si elle semble d’abord vaguement complexe, est en fait similaire à celle de Miami Vice. Le narcotrafic cède la place au cybertrafic, l’infiltration dans le camp ennemi est remplacée par une infiltration plus abstraite, puisque virtuelle.
Les personnages féminins reconduisent les deux figures vues dans Miami Vice et Public Enemies. La femme d’autorité/pouvoir campée ici par Viola Davis (actrice du théâtre new-yorkais aperçue dans plusieurs films américains depuis 2011), et la femme forte et libre incarnée par Tang Wei (remarquée dans Lust, Caution11 d’Ang Lee, lion d’or au Festival de Venise 2007).

Au premier visionnage, on peut avoir l’impression d’assister à une redite de Miami Vice. Un deuxième visionnage dissipe cette impression pour l’amener sur un autre terrain.
Si la romance entre Nick (Chris Hemsworth) et Lien (Tang Wei), n’est peut-être pas la plus captivante de celles proposées par le cinéaste, les choses sont en réalité un peu plus complexes. Hacker est effectivement une sorte de Miami Vice 2.0, mais affiné et synthétisé. Le cinéaste lie les différentes couches et facettes de son film dans une unité totale. La romance fait partie intégrante du récit et du projet de mise en scène global. Il s’agit dans un premier temps d’une relation professionnelle (le cinéaste rompt au passage avec ses duos masculins pour deux duos homme-femme), qui sans transition devient une relation amoureuse. Les personnages sont, dès le départ, liés par l’intrigue et non issus de divers camps ou milieux extérieurs à celle-ci.

Chris Hemsworth et Wei Tang dans Heat
Nick (Chris Hemsworth) et Lien (Wei Tang) dans « Heat »

C’est à la fois brutal et extrêmement limpide. Le cinéaste l’impose comme une évidence, à la fois sûr de sa force et probablement soucieux d’éviter la redite. Les personnages s’embrassent subitement sur le toit d’un immeuble en pleine nuit; c’est la première image du couple, purement graphique et physique. Mann en fait un motif à part entière de sa mise en scène et non plus un segment coexistant avec le reste.
C’est à la fois la grande force du film et sa limite. On est impressionnés par la virtuosité formelle et la capacité du cinéaste à transcender n’importe quel sujet, tandis qu’il fait paradoxalement de ses personnages des pions à son service. Même s’il est difficile de retrouver pleinement l’intensité constatée dans ses deux films précédents, c’est la première fois qu’un couple occupe autant l’espace et l’action.
Hacker constitue-t-il un nouveau motif d’expérimentations que Mann développera ensuite ? Ou est-ce la conclusion de plusieurs évolutions ? Son prochain film donnera une idée plus précise de la teneur de la réponse.

État des lieux

Pendant que beaucoup étaient préoccupés à disséquer les prouesses techniques et les avancées numériques proposées par Michael Mann, ce dernier opérait une autre rénovation de son cinéma, probablement plus discrète et secondaire, mais salutaire.
Longtemps cantonné à l’image d’un cinéma limite machiste, laissant peu de place aux femmes, le cinéaste semble avoir tâtonné et cherché à une manière de faire évoluer cet aspect sans renier les fondamentaux de son cinéma.
En reprenant uns à uns les archétypes dont il s’est un temps servi pour mieux les subvertir et les complexifier de films en films, Mann a revisité sa propre filmographie pour atteindre une densité supérieure.

Michael Mann Il est parvenu à imposer des personnages féminins de plus en plus consistants au sein d’univers à dominante masculine, créant des romances liées par un gout de l’union risquée, où l’incertitude plane toujours. Dans un cinéma souvent considéré comme viril et ultra-masculin, Michael Mann se plait à surprendre et créer des romances qui détonnent et marquent le spectateur.
Cette évolution s’illustre aussi par des choix d’actrices qui tranchent avec le tout venant hollywoodien. Mann utilise sa notoriété pour imposer des profils absents du paysage hollywoodien, aussi bien dans ses choix de casting que dans la teneur des rôles, témoignant par là d’un regard porté sur des horizons plus lointains que le seul cinéma américain. Il fait ainsi indirectement évoluer les normes et les mentalités qui régissent le cinéma outre-Atlantique.
Il est intéressant de constater qu’un autre grand auteur américain, pionnier du numérique, a effectué un virage similaire ces dernières années, de façon certes plus voyante mais tout aussi passionnante : un certain David Fincher.


Heat, réalisé par Michael Mann – 1995
Révélations (The insider), réalisé par Michael Mann – 1999
Ali, réalisé par Michael Mann – 2002
Collateral, réalisé par Michael Mann – 2004
Miami Vice, réalisé par Michael Mann – 2006 
Public Enemies, réalisé par Michael Mann – 2009 

Hacker, réalisé par Michael Mann – 2015 
Épouses et Concubines, réalisé par Zhang Yimou – 1991
Shanghaï Triad, réalisé par Zhang Yimou – 1995
Adieu ma concubine, réalisé par Chen Kaige – 1993
2046, réalisé par  Wong Kar-wai – 2004
Lust, Caution, réalisé par Ang Lee – 2007