Bertrand Blier ou l’épuisement du thème

Bertrand Blier, le réalisateur, entre autres, des Valseuses et de Tenue de soirée, est connu pour ses dialogues aiguisés et ses provocations. Ce que l’on connait moins, c’est le narrateur : conteur contemporain au regard post-moderne. Focus sur un auteur aux intrigues intrigantes.

Bertrand Blier

Dans le cinéma de Bertrand Blier, la narration naît du désir de subversion; l’auteur explore des thèmes qu’il presse, à la manière d’une éponge, pour en retirer une intrigue. Tout au long de sa carrière, le récit n’a cessé d’évoluer, tout en gardant le désir de ses origines si bien que, s’esthétisant en s’éloignant du verbe, le cinéma de Bertrand Blier se fait subversif et au service de sa propre narration, de sa révélation : l’Apocalypse d’une pensée.


La proposition dramatique, la situation narrative qui sous-tend les films de Blier est au choix drôle, étrange ou absurde. C’est sur elle que se développe toute la diégèse. L’auteur la déroule comme une pelote de laine, tricotant son récit avec plus ou moins de finesse, comme s’il lui importait d’avantage de se protéger du froid que de produire un très beau pull. Mais ce n’est pas un pull uni ; c’est un pull à motifs, ils sont dépareillés, les couleurs sont nombreuses, parfois inexistantes, les formes sont jolies et parfois pas du tout.

On remarque comme un principe général que les films de Blier ont une raison narrative très curieuse, sorte d’élément déclencheur qui n’a pas de conséquences ou de signification au delà de l’action initiale installée par le film : Dans Les Valseuses1, Pierrot est blessé gravement aux testicules par le pistolet d’un coiffeur à qui il a emprunté sa DS et cherche le moyen, à l’aide de son ami Jean- Claude, de se rassurer sur sa virilité ; dans Préparez vos mouchoirs2, une femme aux allures de petit elfe tout droit sorti d’un comics déjanté ne peut pas concevoir d’enfant avec son mari, celui-ci intervient alors auprès d’un étranger pour lui demander s’il lui serait possible de mettre sa femme enceinte à sa place ; dans Tenue de soirée3, un couple de clochards dont l’amour bat de l’aile, écume les bals populaire à la recherche d’un peu de chaleur humaine et fait la connaissance de Bob, un ex taulard qui sait flairer l’argent caché dans les banlieues résidentielles. Ce dernier va changer leur vie matérielle et va surtout tenter de séduire Antoine, le mari, dont il est tombé amoureux de la fragilité. Dans ses exemples, il y a très peu de détails, de background au delà des événements narratifs même : on ignore souvent tout de ce qui a amené les personnages de telle ou telle fiction à se retrouver dans une situation plutôt qu’une autre ou bien à devoir endosser tel statut. Les événements et ce qu’ils mettent en place au long du scénario ont plus de portée, d’importance, qu’une explication exhaustive des personnages et de leurs raisons d’être. De cette manière, ce sont les actions, les événements, le dialogue et l’environnement dans lesquels ils sont concentrés qui constitue le cœur de l’intrigue. L’abandon progressif de repères spatio-temporels devient, pour les personnages comme pour les spectateurs, l’expression des relations humaines absurdes, irrationnelles. Bertrand Blier, en générant de véritables moments d’aliénation incompréhensible travaille aussi bien le fond que la forme de son intrigue. L’ incohérence dramatique est véhiculée par une accumulation de scènes qui n’ont, à première vue, pas de lien de cause à effet.

L’approche de la construction narrative par Bertrand Blier est peu conventionnelle, pour faire dans l’euphémisme. L’ensemble de son œuvre présente une caractéristique majeure; les intrigues débutent systématiquement sur un désordre, un malaise et n’installent pas pour autant les moyens de leur résolution au sein de l’exposition. Au lieu de ça, c’est une énigme qui naît dès le début, dans un état de désordre complet, désordre parfois résolu au milieu de l’intrigue. Mais ce rapide passage sur les terres de la narration classique est bien vite oublié tandis que le film avance dans une énigme plus profonde et plus morcelée prenant les allures d’un puzzle aux milliards de pièces minuscules. L’absence totale de relation de cause à effet dans ces expositions in medias res empêche le spectateur de plaquer, sur ses visions narratives traditionnelles, d’autres motifs de causes et de conséquences au fur et à mesure du développement du film.

Il est très difficile, par exemple, de comprendre la nature, les tenants et les aboutissants de cette relation à trois qu’entretiennent Pierrot, Jean-Claude et Marie-Ange dans les Valseuses et encore moins les motivations de Bob, Antoine et Monique dans Tenue de soirée. Il est rare que Blier donne accès aux informations psychologiques propres à ses personnages.

Blier part de ses thèmes et brode tout autour, le temps s’accélère et l’histoire avec lui. Cela est moins problématique dans ses narrations plus classiques. Dans une interview qu’il m’a accordé en janvier 2014, Blier, au sujet de l’écriture, répond : « C’est mieux de découvrir en écrivant, c’est mieux de pas savoir. On prépare, c’est comme un voyage; on fait des bagages. On part en écriture avec deux pages de notes [… ] Il faut piéger les personnages, les mettre dans des situations qui sont trop fortes pour eux. »
Dans Préparez vos mouchoirs, c’est l’épuisement du thème (à savoir l’obsession) et sa définition au sein même de l’intrigue qui lui donne sa force. C’est autour de cette idée d’obsession, partagée ou non que se déroulent les actions ou les dialogues et force est de constater que la charpente est solide : le film entraîne le spectateur dans un univers diégétique feutré et intimiste où les obsessions prennent des aspects multiples : l’infertilité de Solange, l’amour de Mozart, la collection des livres de poche, les souvenirs, la présence et la sexualité du jeune et surdoué Christian sont autant de jalons narratifs au sein de cette poético-comédie.

"Merci la vie"
« Merci la vie »

La structure, quant à elle, peut varier. Au récit picaresque et quasiment linéaire qu’on peut retrouver dans des films tels que Les Valseuses, Calmos4, Préparez vos mouchoirs, La femme de mon pote5 ou encore Tenue de soirée s’oppose les trames complexes et les digressions auto-réflexives de Notre Histoire6, Merci la vie7, Trop belle pour toi8, Un deux trois soleil9 et Mon Homme10. En observant l’ensemble de son œuvre actuelle, on peut remarquer que le réalisateur a opéré un tournant progressif dans sa narration à mesure que la critique lui faisait confiance et que ses films rencontraient leur public; plus de reconnaissance et par conséquent plus de moyens de produire les films les plus risqués, de raconter des histoires plus complexes. De manière constante et cohérente, Bertrand Blier fait progressivement évoluer son langage de montage constitué d’ellipses pour mieux aboutir à des récits davantage abstraits, stylisés et méta-filmiques.

Susan Hayward, dans son étude sur le pastiche dans le cinéma français, s’est intéressée à l’émergence d’auteurs post moderne. Pour vulgariser, on pourrait définir le post-modernisme comme étant un mélange des médias au service d’un médium; aussi, là où le modernisme place l’auteur et la création au centre de son esthétique, le post-modernisme fait jouer ce rôle à l’interprétation du public. Susan Hayward assimile ce mouvement à une tendance à la dépolitisation et au régressif; soit un mouvement relativement stérile et peu porteur de créativité. Pourtant, pour ses défenseurs, le mouvement post-moderne ne se limite pas à un nivellement des sens et des valeurs; ce n’est pas parce qu’il n’y a pas engagement, qu’il y a nécessairement désengagement, que la poésie est absente, que l’émotion a disparu. La valeur du mouvement post-moderne réside en ce qu’il questionne le langage (ses limites, ses fins, son origine), ainsi que des notions tels que rationnel/irrationnel, sujet/objet, masculin/féminin. En somme il questionne la possibilité d’un autre système de représentation. Jean-Luc Godard pose le problème en ces termes :

« On doit pouvoir dire […] que les limites du langage sont celles du monde, que les limites de mon langage sont celles de mon monde, et qu’en parlant, je limite le monde, je le termine. »

Jean-Luc Godard, « Deux ou trois choses que je sais d’elle », 1966

Il est donc possible de nuancer les conclusions d’Hayward : les accidents, les tensions sont propices à la naissance de discours subversifs et critiques, de véritables prises de position modernes relatives à la question de la représentation en fiction.
Et comme un exemple est souvent plus éloquent, nous invoquerons donc le plus étrange, l’ovni, celui dans lequel Blier expérimente assez franchement sa façon de faire récit. Ce film, c’est Buffet Froid. Ça commence avec le personnage d’Alphonse Tram (Gérard Depardieu). C’est un jeune chômeur d’une trentaine d’années, il habite avec sa femme dans les HLM près de la Défense. On ne sait pas d’où il vient ni où il va, mais quand le film commence, dans une station de métro, on le voit descendre un escalator, cerné par les éclairages glacés d’une fin de soirée.
Le film est placé dès le début sous le signe de la rigueur absurde : par des jeux de contrastes entre part d’ombre et lumière, on découvre un rail, et puis deux. Par le montage, la lumière se fait sur la station de la Défense. La géométrie glacée et l’architecture symétrique sont l’écrin de l’intrigue. En travers les néons, sous la saturation des lumières artificielles, apparaît Alphonse Tram, seul être vivant dans ce microcosme où la vie a cessé d’affluer. Tandis que l’appareil suit la marche d’Alphonse Tram, le champ se fait sur le hors champ et c’est sur un autre personnage, anonyme celui là, que notre regard vient buter, attisant la curiosité du spectateur, et par conséquent celle d’Alphonse Tram, qui va s’asseoir à ses cotés pour lui parler.

Anonyme – Qu’est-ce que vous regardez ?
Alphonse Tram – Qui ? Moi ?
Anonyme – Oui vous . Qu’est-ce que vous regardez ?
A.T – Rien.
Anonyme – Si, j’m’excuse mais vous regardiez quelque chose !
A.T – Je regardais…Votre oreille …
Anonyme – Qu’est-ce qu’elle a mon oreille ? Vous êtes oto-rhino ?
A.T – Non.
Anonyme – Bon, bah alors foutez moi la paix…
A.T – Je trouve que vous avez une tête de comptable.
Anonyme – Je suis comptable.
[…] Anonyme – Vous avez une tête à avoir des drôles d’idées !
A.T – Quel genre d’idées ?
Anonyme – Ah, foutez moi la paix !
A.T. – Vous en avez pas, vous, des drôles d’idées ?
Anonyme – Des idées de quoi ?
A.T. – Ca vous arrive jamais, par exemple, d’avoir envie de tuer quelqu’un ?
Anonyme – Pardon ?
A.T – Je vous demande si ça vous arrive parfois d’avoir envie de tuer quelqu’un.
Anonyme – Qui ?
A.T – N’importe qui !
Anonyme – Et pourquoi ?
A.T – Comme ça, sans raison, une impulsion !
Anonyme – Non…
A.T – Même pas dans le métro ?
Anonyme – Bof…Pas vraiment…
A.T – C’est pourtant facile.
Anonyme – Bof…
A.T – Mais si ! Vous avez votre couteau dans votre poche et HOP le couteau sort de la poche, TAC la lame jaillit, TAC le ventre est percé, un quidam qui s’écroule, personne s’arrête : on croirait un clochard qui roupille.
Anonyme – Qu’est-ce que c’est un quidam ?

Bertrand Blier, discussion entre Alphonse Tram et un quidam, « Buffet Froid », 1979

Cette scène d’exposition n’a rien de traditionnel et semble presque sortie de l’œuvre de Samuel Beckett. On entend par exposition l’énonciation du sujet et du jour sous lequel il se présentera : la manière d’en faire récit. L’exposition, dans l’art dramatique classique, est la partie d’une intrigue qui demande le plus d’adresse et d’attention. L’auteur doit, dès les premières scènes, annoncer le sujet, le temps et le lieu de l’action, cela au moyen d’épisodes, de tableaux sensés renseigner le spectateur au moyen d’acteurs. Une scène d’exposition classique met en avant les ressorts de l’intrigue, les intérêts entre les personnages ainsi que les passions qui les animent.11

Un regard, une analyse rapide sur le dialogue entre Alphonse Tram et l’inconnu du métro fait entrevoir une piste ; l’échange semble avoir été écrit autour d’éléments d’où peut naître une intrigue plutôt que l’inverse, une intrigue jalonnée d’éléments narratifs qui font le récit. Trois éléments : Une oreille, un couteau, une discussion. Bertrand Blier en tire un meurtre absurde. Ici, dans cette exposition, c’est du récit que part l’histoire : la forme préexiste au fond, pour mieux le dévoiler. Lors d’une interview accordée au journaliste Gaston Haustrate, au sujet de l’idée de départ de Buffet Froid, Blier répond :

« L’idée de meurtre gratuit. Le genre : « J’ai un couteau dans la main ; je vous le plante dans le ventre ; quel effet cela vous fait ? » […] À l’époque, je faisais un rêve récurrent : j’étais poursuivi par la police et on m’arrêtait […] Donc Depardieu s’est approprié mon idée de meurtre gratuit et moi j’ai brodé là-dessus. Qui dit meurtres dit cadavres, qui dit cadavres dit flics, qui dit flics, etc. »

« Bertrand Blier » de Gaston Haustrate

Si cette exposition semble s’affranchir des règles, on retrouve chez le mythologue américain Joseph Campbell quelques échos lointain de cette approche. Professeur et chercheur spécialiste des mythes et légendes et de leur transmission, Campbell a influencé bon nombre d’auteurs du Nouvel Hollywood, ses travaux ayant été condensés dans un mémo rédigé par le producteur et auteur Christopher Vogler dans The Writer’s Journey12. Dans son ouvrage Le héros aux mille et un visages13, Campbell décrit l’exposition comme « le départ » :

« C’est ainsi, entre autre, que l’aventure peut commencer. Un geste maladroit – dû apparemment au plus grand des hasards – dévoile un monde insoupçonné et met l’individu en relation avec des forces qui ne sont pas forcément comprises. »

« Le héros aux mille et un visages », Joseph Campbell

Gérard Depardieu et Michel Blanc dans "Tenue de soirée"
Gérard Depardieu et Michel Blanc dans « Tenue de soirée »

Dans le cinéma de Bertrand Blier, ce sont les interactions entre les personnages qui représentent la dynamique principale du procédé de narration. Cette propension à raconter des histoires basées sur un dialogue au sein de scènes relativement statique, à préférer explorer les situations plutôt que les actions – ou bien les actions au cœur des situations – rappelle les travaux de Samuel Beckett, notamment dans la pièce En attendant Godot14, où deux vagabonds – Vladimir et Estragon – se retrouvent à la tombée de la nuit sur une route de campagne pour attendre un certain Godot. On retrouve aussi cette technique d’ ‘épuisement du sujet dans le film Préparez vos mouchoirs : la scène centrale où les deux personnages sont assis, dans une chambre, en train d’écouter Mozart en discutant du clarinettiste Gervase de Brumer en est un exemple.

« D’autres fois, je pars d’une scène. Préparez vos mouchoirs a été écrit par le milieu : c’est parti d’une scène sur Mozart. »

« Bertrand Blier » de Harris Sue

Blier se plaît à proposer des actions en apparence non narratives, sans se préoccuper de la résolution de son intrigue. Les personnages prennent leur temps, s’assoient, discutent, apprécient les instants, jusqu’à ce qu’on vienne les troubler. C’est le cas dans la scène de pêche des Valseuses lorsque Jean Claude, tranquillement assis au bord d’un canal aux cotés de Pierrot, annonce : « C’est pas pour dire, mais la première cigarette de la journée, c’est la meilleure. Ah oui, ça vous remet la bouche en forme. »
La fonction du dialogue, dans ce cas, est moins de faire avancer l’intrigue que de proposer un échange, variant du plus prosaïque au plus poétique. Ce sont les personnages qui révèlent le récit par leur verbe, leurs chassés-croisés dans la langue. Lorsque je l’ai interrogé à ce sujet en janvier 2014, Blier répondait :

« Ça vient de certains trucs que j’ai vu au cinéma et qui m’avaient beaucoup bluffé, comme par exemple le monologue de Jean Pierre Léaud dans Les 400 coups quand il est en face de l’assistante sociale… Il se met à raconter des trucs, c’est fantastique. Et Truffaut arrête le film : il arrête le film et il laisse parler le môme pour plus de cinq minutes ! Et moi, je suis rentré par ce truc là, c’est à dire que je rêve de faire des films où le film s’arrête et où les mecs parlent du film ou entre eux… ou même à la caméra ».

Entretien audio avec Bertrand Blier, janvier 2014

C’est par ce que Gilles Deleuze appellait « une idée en cinéma »15 que Blier fait récit : l’histoire n’a pas d’importance selon lui, et même quand l’intrigue est très mince – comme celle de Trop belle pour toi – un patron tombe amoureux de sa secrétaire – il est possible de raconter beaucoup avec le minimum. Si l’auteur part en écriture comme il part en voyage, mieux vaut voyager léger; il vivra/racontera au fil de ses rencontres/thèmes.
Les thèmes, il y en a des récurrents chez Bertrand Blier : la criminalité, la sexualité déviante ou débridée, l’obsession du personnage du voyou ou encore le thème de l’univers carcéral sous toutes ses formes. En somme, on pourrait lui supposer une influence du romancier et dramaturge Jean Genet. L’oeuvre de Blier partage quelques ressemblances avec l’univers de Genet : l’exploration de la sexualité ou de l’appétit sexuel, l’aspect rituel – certaines répétitions d’actions ou de situations dans l’oeuvre de Blier rappellent Le journal du voleur16 – et la possibilité d’adopter plusieurs rôles ou plusieurs costumes au sein d’un même film/roman/pièce. Aussi, le lyrisme et l’obsession qui habitent l’œuvre de Bertrand Blier (et tout particulièrement le film Tenue de soirée) peuvent être mis en parallèle avec le film de Jean Genet, Un chant d’amour, qui met en scène par la suggestion les fantasmes frustrés de deux bagnards homosexuels :

Les personnages chez Blier sont des marginaux, des exclus – comme chez Beckett – connaissent les règles, les brisent, et les transgressent de nouveau avec panache – comme chez Genet – ou bien ils errent sans but – comme chez Ionesco. A l’instar des personnages de Beckett, les héros chez Blier « sont généralement des pauvres types, des cloches, des paumés. »17

Je nomme violence une audace au repos amoureuse des périls. On la distingue dans un regard, une démarche, un sourire et c’est en vous qu’elle produit les remous. Elle vous démonte. Cette violence est un calme qui vous agite.

« Journal du voleur », de Jean Genet

Les personnages incarnent des qualités tragiques d’autant plus fortes qu’elles s’expriment dans un contexte social et urbain du quotidien. La très grande majorité des personnages chez Blier – s’ils ne sont pas d’emblée définis dans une activité, un travail, comme Paul Dufour dans Calmos ou François dans Combien tu m’aimes18 – sont intégralement définis par les actions qui concentrent leurs énergies; chez Blier on mange, on boit, on fume, on provoque ouvertement la société, l’Histoire, la fatalité ou bien on a besoin d’exister, de se sentir aimé en offrant tout ce qui nous reste : l’absurde esthétisme physique du corps comme seul moyen de gratification. Dans tous les cas, les personnages sont exclus de la société dans son ensemble le plus large, où plaisirs et loisirs sont secondaires, et où ne prévaut que la production, le rendement, l’efficacité.

Camille (Charlotte Gainsbourg) promène ses mouettes aux abords d'une station balnéaire, dans "Merci la vie".
Camille (Charlotte Gainsbourg) promène ses mouettes aux abords d’une station balnéaire, dans « Merci la vie ».

Les Valseuses, film réalisé par Bertrand Blier – 1974
2 Préparez vos mouchoirs, film réalisé par Bertrand Blier – 1978
3 Tenue de soirée, film réalisé par Bertrand Blier – 1986
4 Calmos, film réalisé par Bertrand Blier – 1976
5 La femme de mon pote, film réalisé par Bertrand Blier – 1983
6 Notre histoire, film réalisé par Bertrand Blier – 1984
7 Merci la vie, film réalisé par Bertrand Blier – 1991
8 Trop belle pour toi, film réalisé par Bertrand Blier – 1989
9 Un deux trois soleil, film réalisé par Bertrand Blier – 1993

10 Mon homme, film réalisé par Bertrand Blier – 1996
11 Dictionnaire Universel des Littératures, essai de Gustave Vapereau
12 Le guide du scénariste, essai de Christopher Vogler
13 Le héros aux mille et un visages, essai de Joseph Campbell
14 En attendant Godot, pièce de théâtre de Samuel Beckett
15 L’acte de création, essai de Gilles Deleuze
16 Journal du voleur, roman de Jean Genet
17 Haustrate, 1988
18 Combien tu m’aimes, film réalisé par Bertrand Blier – 2005