Le Narratoire #3 : Faits divers

Toutes les semaines, découvrez une courte chronique sur une personnalité ou un fait original, et un exercice d’écriture. Le but ? Stimuler l’imaginaire.

Landru meta

Henri Désiré Landru, dit Barbe-Bleue

Si son surnom de Barbe-Bleue vient avant tout de la façon dont Landru séduit les femmes avant de les assassiner et de faire brûler leurs cadavres, le personnage aurait mérité un sobriquet à la mesure de sa personnalité.

D’abord escroc, il s’en prend principalement à des femmes, auxquelles il soutire de l’argent. Puis, à partir de 1915, utilisant les petites annonces matrimoniales, il va attirer et séduire les veuves de la première guerre. Prétextant être lui-même veuf, alors qu’il est marié à sa cousine qu’il a séduite quelques années plus tôt, et dont il a eu quatre enfants, il leur promet le mariage, avant d’obtenir procuration sur leurs économies. Dix femmes vont ainsi céder aux avances du séducteur. Landru fait disparaître leurs corps dans une cuisinière, dans la maison qu’il loue à Gambais.
Les voisins, dérangés par l’odeur qui s’échappe de la propriété, provoquent l’arrestation du tueur en 1919.

« Monsieur sérieux, ayant petit capital, désire épouser veuve ou femme incomprise, entre 35 et 45 ans, bien sous tous rapports, situation en rapport. »

Le procès de Landru
Le procès de Landru

Très organisé, Landru possède plusieurs carnets dans lesquels il note scrupuleusement toutes ses dépenses et ses remarques. On peut ainsi lire dans l’une de ses 283 fiches (une pour chaque femme approchée) : « Train pour Gambais un aller retour 3,85 F. Un aller simple, 2,40F. » Cet aller sans retour, c’est probablement celui qu’effectua Mme Collomb, qui suivit Landru à Gambais pour ne plus revenir, le 26 décembre 1916. Dix autres femmes ont disparu de la même façon. Source gigantesque d’indices et de preuves, les carnets de Landru seront au centre de son procès.
Durant celui-ci, Landru, beau causeur, multiplie les bons mots et amuse l’assistance. La cuisinière utilisée pour faire disparaître les corps, exposée dans la salle d’audience, ajoute à l’ambiance presque théâtrale du procès. Landru ment, il séduit aussi, comme il sait si bien le faire. Le Barbe-Bleue, qui s’est trouvé pour lui-même de multiples noms d’emprunt, est d’une rare éloquence. C’est un homme de scène.
Lorsque le président lui demande : « Voyons, Landru, toutes ces femmes… vos enfants ne disaient rien ? », l’accusé lui répond par cette réplique : « Quand je donne un ordre à mes enfants, moi, monsieur le juge, ils obéissent. Ils ne cherchent pas le pourquoi ni le comment. Je me demande comment vous élevez les vôtres ! »

Les corps des femmes n’ont jamais été retrouvés, et c’est la défense sur laquelle s’appuie son avocat, Maitre de Moro-Giafferri. Au milieu du procès, désignant la porte d’entrée de la salle, il lance : « Ces femmes dont on vous dit qu’elles sont mortes, elles vont maintenant faire leur apparition ! » Tous se retournent alors vers la porte d’entrée. L’avocat s’en félicite : « Vous avez regardé, vous n’êtes donc pas sûrs que ces femmes sont mortes. » Ce à quoi l’avocat général répond : « Toutes les têtes se sont tournées, maître, sauf celle de votre client. »
Ces échanges mémorables, qui semblent dialogués à l’avance, contribuent pendant un temps à la sympathie que le public ressent curieusement pour Landru, qui les amuse. Mais la distraction ne dure pas.

Landru est guillotiné le 25 février 1922 par Anatole Deibler (le fils de Louis, le bourreau qui avait peur du sang, voir Narratoire #2…) L’aumônier qui vient le trouver juste avant son exécution lui aurait demandé : « Mon fils, croyez-vous en Dieu ? ». Landru aurait alors répondu : « Monsieur le curé, je vais mourir, et vous jouez aux devinettes. »
À son avocat enfin, au pied de l’échafaud, qui voulait savoir s’il avait vraiment assassiné toutes ces femmes, Landru dira : « Ceci, maître, c’est mon petit bagage. »

Depuis, ce personnage atypique a inspiré chansons, films, pièces de théâtre et bandes-dessinées. Son physique reconnaissable -cette barbe et cette moustache qui rendent son surnom d’autant plus pertinent- facilite la caricature. Mais c’est sans nul doute son aplomb et son éloquence, que les journaux et le public de l’époque n’ont cessé de souligner, qui ont contribué à la création de ses nombreux doubles de fiction.

L'affiche de "Landru", réalisé par Claude Chabrol
L’affiche de « Landru », réalisé par Claude Chabrol
"Henri Désiré Landru", de Christophe Chabouté
« Henri Désiré Landru », bande-dessinée de Christophe Chabouté
Mme Baziré au procès de Landru
Mme Baziré au procès de Landru
La couverture du "Petit Journal Illustré"
La couverture du « Petit Journal Illustré »

Laboratoire d’écriture

Imaginer un fait divers à partir de la photographie d’un prisonnier.

Le fait divers est une excellente base de construction de personnage ; Flaubert aurait ainsi créé Madame Bovary en s’inspirant de Delphine Delamare (lire un article sur le sujet), et la parricide Violette Nozière a inspiré nombre de livres et de films.

Utilisez les ressources iconographiques d’internet pour trouver la photographie d’un prisonnier. Imaginez d’abord la raison pour laquelle il a été interpellé. Ecrivez-lui ensuite un article, où vous relaterez l’histoire de son interpellation ou le récit de son procès. Créez le personnage de l’accusé, son entourage, son milieu.
Ensuite, développez votre personnage à partir de cet article neutre. Imaginez, par exemple, que l’accusé ne soit pas coupable, ou qu’il cherche délibérément à se faire incarcérer.

D’où vient le prisonnier, pourquoi est-il là ? Quels évènements l’ont conduit devant le photographe ? Et à quoi pense-t-il à ce moment précis ? 

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