Les figures pâles

Y a-t-il des bons et des mauvais vampires ? Plus exactement, y a-t-il des bonnes et des mauvaises figures du vampire ?
Tous les lundis, une note sur la fiction.

Nosferatu
Je repose La lignée de Guillermo Del Toro et Chuck Hogan. J’ai acheté ce livre pour le nom d’un des deux auteurs, et parce que le mot vampire était imprimé sur le quatrième de couverture.
Le vampire de Del Toro tient beaucoup du zombie – corps pourri, asexué, perte de l’intelligence et de la parole – il emprunte aussi à l’Alien – un aiguillon, sorte d’excroissance qui agit comme une entité à part entière, est expulsé hors de sa bouche lorsqu’il s’apprête à se nourrir. « Sa bouche s’ouvrit démesurément et il en sortit un appendice rose et charnu qui n’était pas sa langue mais quelque chose de plus long, de plus musculeux et de plus complexe… quelque chose de très mobile. Comme s’il avait avalé une pieuvre vivante dont la tentacule aurait continué à se contorsionner désespérément dans sa bouche. » On est loin d’Edward de Twilight ou du Lestat d’Anne Rice.

De la mastication des morts dans leurs tombeaux.
Ce titre poétique et macabre est celui d’un traité de Michaël Raft, écrit en 1728, qui fait office de première référence pour les chercheurs en vampirologie. Le vampire y est alors décrit comme un mort vivant qui dévore son linceul, et parfois jusqu’à son propre corps.
La figure du vampire est mouvante. Présente dans toutes les mythologies – les lamiae des grecs se nourrissent du sang de jeunes hommes, la légende scandinave d’Aswid et Asmund évoque un mort qui dévore le chien et le cheval enterrés avec lui, et en Ecosse, la baobhan sith s’attaque aussi aux hommes – la figure du vampire a évolué avec les époques et ses représentations littéraires et cinématographiques.

Y a-t-il des bons et des mauvais vampires ? Plus exactement, y a-t-il des bonnes et des mauvaises figures du vampire ? Non. Le monstre interroge avant tout la frontière entre la vie et la mort, celle d’une éternité sans réconfort, celle de l’homme qui refuse d’affronter les rives du Styx et se retrouve à errer sur les eaux sans espoir de remettre jamais le pied à terre.
Il n’y a pas de bons et de mauvais vampires, parce que le vampire n’est caractérisé que par sa soif, celle du sang, de la vie donc. Le reste est affaire de mode. La créature est romantique, gothique, agressive, lutte contre sa nature, sa peau tombe en morceaux ou scintille au soleil. Ces caractéristiques ne trahissent pas la raison première de l’apparition et de la persistance de la figure vampirique : la peur de la mort.
Comme beaucoup de créatures légendaires, le vampire est le produit de nos interrogations, et en cela il est aussi une forme de réponse. Je laisse donc aux créateurs le soin de poser leurs questions comme ils l’entendent.