Torture et empathie

Un épisode de Game of Thrones sans une scène de torture, ce n’est plus un épisode de Game of Thrones.
Tous les lundis, une note sur la fiction.

Game of Thrones Jeffrey

Comme tout le monde, j’ai regardé Game of Thrones.
J’ai aimé. Je me suis ennuyée. Je me suis lassée. J’ai arrêté. J’ai repris. Je regarde avant tout pour vivre la surprise collective de la mort d’un personnage au milieu d’une quête, un moment de tension partagé avec d’autres spectateurs. Au-delà de cette illusion de rassemblement, je suis passée à côté de la série.

Ma détestation périodique de Game of Thrones, je la dois aux scènes de torture. Une fois admis le fait que je souffre d’empathie (ce sentiment qui, comme je le dis souvent, porte un nom de maladie), j’ai constaté que si le visionnage de la série finissait par être aussi une séance de torture, c’était à cause de la récurrence de ces scènes. Je me pose naïvement la question de leur nécessité.
Certes, certains personnages sont construits ou déconstruits par cette violence. Le plaisir à torturer qu’éprouvent Jeffrey ou Ramsay est un élément essentiel de leur caractérisation. La torture transforme le personnage de Theon qui deviendra « Schlingue » (« Reek » en VO) après avoir subi de longs actes de barbarie. On peut donc argumenter que la torture est nécessaire pour l’histoire, qu’elle fait partie de l’univers cruel de Game of Thrones. Mais quand je tente de lever un œil vers ces scènes de torture, souvent longues et démonstratives, je me rappelle le Orange Mécanique de Stanley Kubrick. Le hors-champ jouait son rôle dans la mise en scène de l’ultra-violence, et l’effet n’en était pas amoindri – bien au contraire.

Puisque cette chronique pose des questions, mais accepte de ne pas apporter de réponses – je pense que tout l’intérêt d’un sujet réside souvent dans les interrogations qu’il suscite- je ne tenterai pas d’argumenter sur l’intérêt narratif, esthétique ou économique de ces scènes. Ce qui me fatigue, c’est la répétition, le systématisme, comme si la scène de torture devenait la clef de voûte du château narratif. L’idée que son absence laisserait comme un trou dans le corps de l’épisode… Une sorte d’amputation.